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1923

Quand la cloche de Camaret s'envole

miracle campanulaire enluminé par Saint-Pol-Roux

 

 

  Elle est vieille la cloche de la vieille église de Camaret. Très vieille. Si vieille qu'elle a tout laissé tomber. Elle n'en pouvait plus... elle a décroché.

  Le 8 juillet 1923, Fanch, le bedeau, sonnait à toute volée pour annoncer le retour de la procession après la Bénédiction de la mer lorsque, sous les yeux effarés des fidèles, la cloche a brusquement pris son envol par le côté droit du clocher et est retombée à quelques mètres d'eux alors qu'ils s'apprêtaient à rentrer dans l'église.

  L'affaire a fait, bien sûr, le sujet d'une nouvelle dans la Dépêche le lendemain, mais pas seulement... Saint-Pol-Roux était peut-être là ce jour-là, il ne le précise pas, mais en tout cas l'événement l'a inspiré car il envoya au journal un poême, lequel parut le 29 juillet. À la Une.

 

 

 

 

La cloche de Camaret

complainte

 

Le dimanche de la Bénédiction de la
mer, à Camaret, la cloche, en train
de sonner la rentrée de la procession,
tomba toudain du clocher de l'église,
(Chronique de juillet).

 

Vers tonton Fanch, sonneur en panne

Elle est tombée de son clocher,

Elle est tombée, notre campane,

Tel un bigorn de son rocher.

Sonnant ses propres funérailles

Dans un bruit sombre de ferraille.

Faite par Jacques Le Beurier

En mil sept cent cinquante-quatre,

Elle n'avait cessé de battre

À son septuple balancier.

 

On entoura la paroissienne,

Car une cloche c'est quelqu'un,

Et l'on vit sur l'auguste ancienne

Se lamenter le bon Salaün.

Pour sûr qu'elle a rendu son âme

Entre les mains de Notre-Dame !

Il s'eût fallu l'esprit obscur

D'un digaloun ou d'un sauvage

Pour méconnaître un personnage

Ainsi venu, du noble azur.

 

Par cette langue dans l'espace

Ayant la forme d'un battant.

On savait tout ce qui se passe

Au fond du ciel et dans le temps.

Adieu le verbe de lumière

Au manoir comme à la chaumière !

Plus d'angelus dans le matin

Sur la récolte et sur la pêche !

Sur le baptême à la chair fraîche,

Pauvre tonton, plus de tintin !

 

 

Éclatant fut son sacerdoce

Entre Noëls et grands pardons.

Ce qu'elle en a sonné, de noces,

À coups d'ardents digue ding dong !

À son appel que de bolées !

Que de baisers sous ses volées !

Toujours dispose à bienheurer

Comme une sainte et brave fille

Elle était donc de la famille,

— Et son silence fait pleurer.

 

Lorsqu'un chagrin closait la porte,

Elle planait sur nos douleurs.

On a besoin qu'on vous apporte

Un peu d'espoir en vos malheurs.

Cloche du bourg, à leur partance,

Combien vis-tu, de ta potence,

D'êtres couchés par le trépas

Dans le lit clos de la matière,

Que tu suivais au cimetière

En les berçant entre tes glas ?

 

Dans les angoisses de la houle

On s'accrochait à ton tocsin ;

Tu recevais, telle une poule,

Nos cœurs pareils à des poussins,

Et sous l'airain de ta grande aile,

On écoutait ton cœur fidèle

À qui Fanchik, pieux bedeau,

Faisait de par sa révérence,

Battre le thème d'espérance

Au gré nerveux de son cordeau.

 

Sachant qu'on loge ton dommage

Chez Barbu notre forgeron,

J'y viens t'apporter mon hommage,

Et tu m'accueilles d'un ronron.

Vivante encore est la mam'coze

Puisqu'à voix basse elle me cause !

Toi qu'on crut morte après le saut

Du fantastique virevire

Où tu croulas comme on chavire,

Qui donc t'a fait choir de là-haut ?

Ô vertueuse Dame Cloche

Qui dévidais calendrier

En martelant notre caboche

Avec les Saints depuis janvier.

Unis dans une longue strophe,

À quoi revient la catastrophe

Où se rompirent tes crochets ?

Est-ce à l'abus de tes services ?

Est-ce à la faute de nos vices ?

Est-ce au poids lourd de nos péchés ?

 

Ou bien, as tu voulu, ma Cloche,

Risquer le formidable saut

Pour voir les hommes de plus proche,

Eux jusque-là vus de si haut ?

As-tu voulu, céleste vieille,

Leur dire un secret à l'oreille ?

As-tu voulu, par-dessus bord,

Magnifier ton saint office

En nous offrant le sacrifice

De nous aimer jusqu'à la mort ?

 

 

Au moins, a-t-on sur la servante

Daigné répandre quelques pleurs ?

Est-on venu, foule fervente,

À ta souffrance offrir des fleurs ?

Je ne vois pas, en essaim d'âmes,

Autour de toi les saintes femmes.

Te voilà seule en cette cour,

Épave parmi des décombres,

Mais, te veillant, se tient dans l'ombre,

La Vierge de Rocamadour.

 

Pour un outil certains te prennent,

Ne sentant pas ton cœur vivant.

Peu de fidèles te comprennent

Quand tu leur parles dans le vent.

Tu n'es pour eux qu'une crécelle

En danse au bout d'une ficelle.

Mais je sais, moi, qu'en le ciel bleu

Un bel archange te balance,

Et que le son qui s'en élance

Est la voix grave du bon Dieu.

 

Laisse Barbu soigner ta gorge

Et ton justin couleur de sous.

Entre sans crainte dans la forge

Où gens de fer ont le cœur doux.

Pour te panser, voilà Jérôme

Au marteau ferme dans la paume.

Persoun après viendra poser

Le signe en croix sur ta blessure,

Et si tu veux, pour ta cassure,

Accepte, ô Cloche, mon baiser.

 

Pour te rependre à la poutrelle

En ton métal brillant à neuf,

Voici venir de la chapelle

Le vieux sonneur au crâne en œuf.

Ohé, les gâs, tous à la drisse !

Au mât de pierre qu'on la hisse !

Et maintenant qu'on est paré,

Tonton, commence la musique.

Et dans un branle magnifique

Fais planer Dieu sur Camaret !

 

 

Du Toulinguet à la Tavelle

Et de Trez-Rouz au Tas-de-Pois,

Cloche, répands la joie nouvelle

Sur les bateaux et sur les toits !

Bénis les fleurs de notre lande,

Bénis les fruits de la mer grande,

Et qu'on entende tout le jour

Cet hosanna de l'allégresse

Où chaque note fait caresse,

Car le vrai Maître — c'est l'Amour !

 

SAINT-POL-ROUX.

 

 

Source : la Dépêche du 29 juillet 1923

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