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Le Reboutou

de

Gustave Toudouze

 

 

Roméo et Juliette en presqu'île de Crozon

 

 

Issus de la même terre, le Reboutou de Crozon et le curé de Camaret partagent, au fond, les mêmes croyances. Mais ils se défient l’un de l’autre parce qu’ils ne se sont jamais rencontrés. Une barrière artificielle, celle des préjugés, les sépare. Et quand un jour, au large de Morgat, le neveu de l’un et la fille de l’autre se sauvent mutuellement la vie…

 

Une passionnante plongée dans le Camaret de 1889 où l’on voit le paternalisme riomphant et la Religion exercer leur emprise sur les « âmes-enfants » des « rudes et humbles » presqu’îliens. Jusqu’à ce que la Raison l’emporte...


« Mais vous avez du talent mon camarade ! ». Cet éloge adressé à Gustave Toudouze est signé Flaubert. Il aurait pu tout aussi bien venir de Zola, Maupassant ou Daudet, les grands écrivains naturalistes de cette époque qui le reconnaissaient comme leur pair.

Né et mort à Paris (1847-1904), Gustave Toudouze a écrit une trentaine de romans. Il a été très présent dans la vie de Camaret-sur-mer les deux dernières décennies de sa vie, le quai porte aujourd’hui son nom.

 

Sortie : 19 avril 2024 - 258 pages - 23 gravures - 13 x 18 cm - Prix : 9 €

Points de vente locaux
 
  Camaret :
    - Comptoir de la mer (quai Téphany)
    - La Fabrique de l'Histoire de Camaret (place St-Thomas) : jeudi à dimanche, 14 h - 18 h
    - La Bouquinerie (place St-Thomas)
    - Le Drugstore (12, quai Gustave-Toudouze)
    - Supermarché U Express

  Crozon :
    - Librairie Le parchemin (rue de Reims)
    - Leclerc, espace culturel (ZAC du bourg)
    

Vente par correspondance
  9 € + frais d'envoi France 4 € = 13 € 

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Un extrait du roman     

 

 

Ce fut assez longtemps après le retour de la Croix-du-Sud qu’il se décida à interroger, pour la première fois, sa fille ; il le fit, en homme aimant les situations franches et peu habitué à voir discuter son autorité de chef de famille. Une après-midi qu’elleétait seule, il s’approcha de la fenêtre, devant laquelle, assise auprès d’une petite table, elle travaillait à la robe qu’elle devait porter pour la cérémonie de la Croix de Mission qui était prochaine, et les mains derrière le dos en une pose favorite, après
l’avoir examinée quelque temps, il questionna :

— Tu as eu du plaisir à revoir le neveu du recteur, pas vrai ?

Une rougeur légère aux joues et au front, dans l’émoi de cette question inattendue, la jeune fille murmura :

— Oui, père.

— Un brave garçon va... Fameux entre tous, que je répète ! Je ne peux pas dire l’estime que j’ai pour lui.

Et, se dandinant un peu sur une jambe, l’œil mi-plissé de malice, tout près à la toucher, la tête baissée vers elle, il insinua :

— Voilà un homme qui ferait un fier mari !

Elle eut un mouvement comme pour répondre ; une seconde son aiguille resta suspendue, tremblant un peu au bout de ses doigts elle eût voulu se défendre, laisser échapper ces mots venus d’instinct à ses lèvres :

— Me marier, moi !

Certes, elle y avait songé parfois, mais d’une manière tout indéterminée, sans oser rien préciser, sans fixer son esprit d’une façon définitive et certaine, le mariage lui paraissant encore éloigné. Balanec, sans lui donner le temps, poursuivait son idée, s’enflammant insensiblement, à mesure qu’il parlait :

— C’est certainement, de tous les garçons d’ici, celui que je choisirais, moi, celui qui me plaît le mieux et avec lequel je serais sûr de m’entendre. Il a tout pour lui, la force, la santé, l’intelligence... pas vilain, avec cela, un beau gars, qu’on peut même dire, et un matelot comme les anciens, quoi !

Il allait, s’animant de plus en plus, vantant les mérites de Denis, énumérant, avec un certain égoïsme naïf, tous les avantages qu’il retirerait d’une association avec lui, et appuyant :

— Or, pour m’associer avec lui, il faudrait quelque chose qui le retînt ici, qui le rappelât au logis. Pour cela, rien de mieux qu’un bon et solide mariage, rien de plus sûr qu’une belle et forte fille, dont on emporte l’image en plein fond du cœur quand l’on s’en va, et qui vous croche de telle sorte qu’il n’y a pas d’ancre de fond qui tienne mieux, qui morde davantage, et pour longtemps, pour toujours !

Le front baissé sur son ouvrage, comme entièrement prise par ce qu’elle faisait, Reine songeait, la poitrine soulevée, les tempes battantes, plus émue qu’elle ne l’avait jamais été de toute sa vie.

Le mareyeur continuait :

— Il n’a rien comme biens, autant dire, car ce n’est pas ce qui lui revient de sa défunte mère qui le fera jamais fortuné, cette pauvre petite boutique sur le port, un méchant débit, pas fort achalandé, malgré son commerce de sardines pressées. Mais moi, je suis riche pour deux, quoiqu’on ne soit jamais trop riche quand on a beaucoup d’enfants. Et puis, je t’aime, toi, fillette, je veux ton bonheur.

Il s’était penché plus encore sur elle, la caressant du regard, l’enveloppant plus étroitement de sa parole :

— Tu lui apporterais l’argent, tes qualités de ménagère ; il t’apporterait son travail, sa connaissance de la mer, sa belle ardeur de jeune homme qui ne craint rien, qui sait tout surmonter. Il l’a assez prouvé, le rude gars ! Il deviendrait mon fils comme tu es ma fille !

L’enthousiasme le prenait, l’emballant :

— Oh ! Je lui confierais mes bâtiments sans crainte, va ! Avec lui, on n’aurait jamais rien à redouter. Il a fait naufrage souvent, c’est vrai mais jamais par sa faute, bien sûr ; à cause des méchants sabots qu’on lui donnait, en place de bons bateaux, comme pour cette Dorade ; ou bien aussi à cause des capitaines malhabiles qui ne voulaient pas l’écouter en tant que second. Depuis qu’il est capitaine, pas un accident ! Du reste, il s’en est toujours tiré, même là où les autres restaient : c’est un homme fait pour les luttes. Le gendre rêvé, que je te dis, et toutes les filles de Camaret t’envieront.

Sur les lèvres de Reine un sourire glissait, s’accentuait, grandissait, sous la tendre et persuasive caresse des paroles de son père. Elle ne disait ni oui ni non, n’ayant encore jamais sérieusement songé à se marier. Au fond de son cœur une vision trouble persistait, celle d’Hervé Morvan, la première qui se fût un moment insinuée en elle mais il lui semblait, depuis quelque temps, que des nuages l’embrumaient, l’effaçaient même
complètement par moments, et un trouble étrange l’envahissait. Quand elle avait revu Denis Le Marrec, quand elle avait retrouvé en lui le petit ami de sa première enfance, l’assidu compagnon de ses jeux, un phénomène singulier s’était produit en elle. Cet intérêt que tous éprouvaient pour le hardi marin, cette affection qui s’attachait à lui, cette curiosité soulevée par tous ses actes, par ses aventures, elle-même les ressentait. Elle savait qu’elle aurait, en allant à lui, l’approbation du pays entier, l’acquiescement du recteur, qui était comme la directe bénédiction d’en haut, la protection du ciel.

Voilà que, maintenant, les paroles de son père achevaient de l’émouvoir profondément, de l’ébranler ; elle ne savait plus ce qu’elle voulait, ce qu’elle sentait, et n’osait même pas s’interroger, dans ce bouleversement de son âme. Seulement, à présent, sans qu’elle sache comment cela s’est fait, Hervé Morvan lui paraît loin, perdu dans une brume d’horizon et c’est Denis Le Marrec qui est là, le plus près, tout près de ses yeux, tout près de son cœur.

Son père, comprenant à son trouble que ses paroles avaient porté, s’éloigna doucement, se frottant les mains, persuadé : « Cette fois l’affaire est faite !»

Il s’attendrit, satisfait :

— Une bonne fille, ma Reine ; elle mérite son bonheur !

                            

 

 

 

 

 

 

 

 


 

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